SONATE EN FOU MINEUR – EXTRAIT
Muni de ma nouvelle carte, je traversai le sas sans problème, puis récupérai mon papier et mes crayons. Derrière les gens qui se hâtaient vers leur poste et ceux qui faisaient la file pour sortir, je vis un homme d’apparence asiatique, petit et musclé, qui paraissait furieux. Il portait l’uniforme des gardiens et je supposai que c’était celui qui m’attendait. « Je suis Pascal Garneau », dis-je en m’approchant.
Il se mit à sacrer de la plus effroyable façon. « Pas trop tôt, crisse! Ça fait une demi-heure que je niaise ici! » Il parlait avec un accent incroyable, un mélange de vietnamien et de joual concentré. Une horloge en haut du sas indiquait huit heures cinquante-sept. « On m’avait dit d’arriver à moins quart. J’ai perdu un peu de temps à passer le contrôle. »
Il ne parut pas m’entendre, trop occupé à m’examiner. « Mais où est ton uniforme?
— J’ai été engagé à quatre heures aujourd’hui, alors je n’ai pas eu le temps d’aller le chercher. Ils m’ont dit que ça serait correct demain. » Il se mit à sacrer davantage et à maudire le docteur Philipson sans que j’en comprenne la raison. Un homme qui se dépêchait vers la file pour sortir lui dit en passant : « Relaxe, Kiên. Garde tes énergies au cas où quelqu’un fasse une crise.
— Bon, dit Kiên, on va oublier l’uniforme. Je vais te montrer les choses importantes, pis je t’amène à ton poste. Dépêchons-nous.
— Vous travaillez ici depuis longtemps?
— Huit ans. Mais on dirait que ça en fait quarante. Les fous me
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